Projet de loi « partage de la valeur » : qu’est-ce que le plan de partage de la valorisation de l’entreprise ?

Le projet de loi transposant l’Accord national interprofessionnel (ANI) relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 29 juin 2023. En tant qu’expert-comptable, vous serez amené à répondre à de nombreuses questions sur le sujet.

Afin de vous aider dans votre devoir de conseil, nous vous proposons de revenir sur le nouveau dispositif, souhaité par les partenaires sociaux et repris par le projet de texte : le plan de partage de la valorisation de l’entreprise (PPVE).

Point d’attention

Notre article a été écrit avant le passage du texte au Sénat. Les modalités de ce plan pourront évoluer si les sénateurs décident d’amender l’article 7 du projet de loi, qui détaille le PPVE.

Quels sont les avantages du plan de partage de la valorisation de l’entreprise pour vos entreprises clientes ?

S’il est adopté, ce nouveau dispositif, collectif et facultatif, doit permettre le versement d’une prime qui reflète la valorisation de l’entreprise sur une période de trois ans.

Pour vos entreprises clientes, ce plan présenterait plusieurs avantages :

  • motiver financièrement ses salariés à la valorisation financière de l’entreprise, sans avoir à passer par un mécanisme d’actionnariat salarié, plus complexe à mettre en place ;
  • fidéliser ses salariés, car seuls ceux qui resteront au minimum 3 ans dans l’entreprise, à compter de la date fixée dans l’accord de mise en place, pourront bénéficier de la prime ;
  • écarter du bénéfice de la prime les salariés de moins d’un an d’ancienneté (à noter que vos clients devraient pouvoir, à leur initiative, élargir les bénéficiaires en prévoyant une ancienneté inférieure dans l’accord) ;
  • permettre la variation du montant de la prime en fonction de la rémunération du salarié, de son niveau de classification ou son temps de travail ;
  • autoriser l’entreprise, en cas difficulté, à ne pas verser la prime. Elle n’est due que si la valeur de l’entreprise augmente dans le délai de 3 ans fixé par l’accord ;
  • le tout en profitant d’un régime social de faveur :
    • éxonération des primes des cotisations sociales d’origine légales et conventionnelles (hors CSG/CRDS) ;
    • éxonération du forfait social, mais soumission à une contribution spécifique de 20 % à verser aux URSSAF.

Les salariés pourraient de leur côté bénéficier du régime social de faveur et d’une exonération d’impôt sur le revenu (plafonnée à 5 % de 75 % du PASS*) lorsqu’ils décideraient de placer le montant de leur prime sur un plan d’épargne salariale.

En pratique, comment est calculée la prime ?

Le montant de la prime, qui ne pourrait pas dépasser 3/4 du PASS* par salarié et par exercice, devrait être calculé en appliquant le taux de variation de la valeur de l’entreprise au montant de référence fixé pour chaque salarié. Il y a fort à parier que vous serez interrogés sur ces notions qui peuvent paraître complexes de prime abord !

Le montant de référence serait fixé dans l’accord de mise en place et pourrait varier pour chaque salarié, en fonction de la rémunération, du niveau de classification, ou de la durée de travail prévue au contrat de travail (pour les temps partiels).

Quant au taux de variation de la valeur de l’entreprise, il correspond au taux constaté entre la valeur de l’entreprise déterminée à la date fixée dans l’accord, et ce même taux trois ans plus tard. La détermination de la valeur de l’entreprise dépend de l’entreprise que vous conseillez :

  • si elle n’est pas cotée en bourse, la formule de valorisation devrait être fixée dans l’accord de mise en place :
    • cette formule devrait tenir compte de la situation nette comptable, de la rentabilité et des perspectives d’activité. Ces critères seraient appréciés sur une base consolidée ou, à défaut, en tenant compte des éléments financiers issus des filiales significatives ;
    • elle pourrait s’appuyer sur des comparaisons avec d’autres entreprises du secteur ;
    • et si l’accord ne contient pas de formule, ou que cette dernière s’avère impossible à appliquer ? Dans ce cas, la valorisation de l’entreprise serait égale au montant de l’actif net réévalué, calculé d’après le bilan le plus récent de votre client ;
  • si elle est cotée, la valeur de l’entreprise correspond à sa capitalisation boursière moyenne sur les 30 derniers jours de bourse précédant les dates de début et fin de la période de 3 ans.

Le projet de loi prévoit que les primes seraient arrêtées dans les 7 mois qui suivent l’expiration du délai de 3 ans. Ensuite, le versement est souple : elles pourraient être versées, en une ou plusieurs fois, au cours des 12 mois suivants. Bien entendu, si le taux de variation de l’entreprise que vous conseillez est nul ou négatif, aucune prime n’est versée !

Accompagner vos clients dans la mise en place du plan

Le PPVE est mis en place par accord, établi sur rapport spécial du commissaire au compte de l’entreprise. Si l’entreprise que vous conseillez n’en a pas désigné, l’organe compétent de l’entreprise devra en désigner un pour l’occasion.

L’accord doit être établi selon l’une des modalités suivantes :

  • par convention ou accord collectif de travail ;
  • par accord entre employeur et les représentants d’organisations syndicales représentatives de l’entreprise ;
  • par accord conclu au sein du Comité social et économique (CSE) ;
  • ou par ratification, à la majorité des 2/3, d’un projet d’accord proposé par l’employeur.

Le texte de mise en place doit comporter plusieurs mentions obligatoires, que vos clients ne devront pas omettre. Parmi elles, la date d’appréciation de la valeur de l’entreprise, laquelle constitue le point de départ de la durée de 3 ans du plan, et la date, 3 ans plus tard, d’appréciation de la valeur de l’entreprise, qui permet de calculer le taux de variation.

L’accord devra faire l’objet d’un dépôt auprès de l’Administration pour ouvrir droit aux exonérations fiscales et sociales.

*Plafond annuel de la Sécurité sociale (43 992 € en 2023).

  • ANI sur le partage de la valeur : quelles sont les principales mesures ?

    Le 10 février dernier, les partenaires sociaux ont signé un Accord national interprofessionnel (ANI) relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise. Son application sera subordonnée à une transposition dans la loi et plusieurs décrets.

    L’objectif de ce texte est de démocratiser l’épargne salariale et la généraliser à l’ensemble des salariés, en particulier dans les TPE-PME. En tant qu’expert-comptable et interlocuteur privilégié du chef d’entreprise, il est primordial d’être au fait des évolutions portées par l’ANI ! Nous vous avons résumé les principales mesures.